L’or: montre moi tes formes et tes couleurs, et je te dirais qui tu es et d’ou tu viens!
L’or présente une multitude de formes dans la nature, il est là, tel quel, sous nos yeux et ce n’est pas de sa faute si il se présente ainsi, il faut le prendre tel qu’il est.
Dans cet article, je vous fais découvrir certains exemples concrets, qui représentent un éventail de ce que je trouve dans mes zones de prospections dans le Couseran, en Ariège.
Un bon orpailleur s’intéressera aux formes des paillettes d’or, des mouches, des grains ou des pépites, c’est aussi important que le médecin légiste qui fait de la balistique ou qui étudie des poils sur une scène du crime, c’est pareil, car on peut en apprendre des choses!
SOMMAIRE:
- Pourquoi?
- Matériel utilisé
- Les différentes formes de l’or dans la nature
- L’or provenant du bedrock/roche mère (or éluvionnaire)
- L’or provenant des placiers ou or alluvionnaire
- L’or « spontané », précipité, ou cristallisé, ou dendrite
- Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- L’or en grains fins, petits, ou plus gros
- Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- L’or en paillettes roulées et écrasées
- Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- L’or amalgamé naturellement avec du mercure
- Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- L’électrum ou l’or gris: alliage naturel d’or et d’argent
- Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- L’or rose: alliage naturel d’or, de cuivre et d’argent
- Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- Conclusions
- Références
- Web
- Document
Pourquoi?
Parce que l’étude approfondie des formes de l’or que vous trouvez dans vos pans, vous permettra d’en savoir plus sur ses origines, son histoire, sa provenance, et vous pourrez en déduire des nouveaux champs champs de recherches et des nouvelles perspectives de prospection à tel ou tel endroit.
Cependant, pour bien compléter les interprétations, il faut aussi:
- des données géologiques, telles des cartes géologiques du BRGM,
- des données toponymiques et archéologiques qui aident aussi,
- des données sur la présence locale de mines diverses,
- des données littéraires ou photographiques (article, presse, journal, livre, document, photographie, témoignages, plan, notes),
- des données sur les traditions locales, légendes locales, croyances locales.
Il est toujours très agréable et réjouissant, pour un chercheur d’or, de contempler des reflets jaunes métalliques typiques de l’or, dans le viseur de son microscope.
Matériel utilisé
Pour cela, un microscope binoculaire de qualité est nécessaire, en ce qui me concerne, j’utilise un microscope pour la minéralogie/cristallographie, de la marque hollandaise et de très bonne qualité NOVEX, le modèle P-20 avec LEDs, et il fonctionne aussi à pile, il est transportable sur le terrain si besoin.
J’en suis très satisfait, ce microscope me convient parfaitement pour faire mes recherches, mais il en existe des plus puissants et plus onéreux.
Un microscope est capital pour bien ausculter les concentrés de sables noirs, déterminer la nature des composants des sables, mais aussi parce que souvent l’or est présent mais si petit qu’il est très difficile de le voir à l’oeil nu.
Le site web de NOVEX, un gros fabriquant de matériel scientifique et d’imagerie, est ici: https://www.thermofisher.com
J’utilise aussi un adaptateur smartphone/microscope pour faire les micro-photographies.
Le dispositif se monte très facilement. Un adaptateur pour smartphone, pour faire des photos.
J’aime cet adaptateur car il est très rapide à mettre et à enlever lorsque je travaille à l’observation ou l’inventaire des sables noirs au binoculaire.
Avec un smartphone classique, il est ainsi possible de faire des photographies sans s’encombrer d’un matériel photographique onéreux et compliqué.
Les différentes formes de l’or dans la nature
Ci-après: pour commencer, voici un petit résumé théoriques des différentes formes de l’or en fonction de leurs origines et gîtes.
L’or provenant du bedrock/roche mère (or éluvionnaire)
Origine hypogénique (filon primaire principal)
- Formes: xénomorphique, anguleux, élongé, avec des séparations laminaires. Cristaux, dentrites, et facettes.
- Taille: de 0,1 à 200 microns.
- Les gros grains sont plutôt rares dans ce type de source aurifère.
Origine supergène (zone d’oxydation)
- Formes: limpeux, spongieux, laminaire, projection de surfaces irrégulières, cristaux octaédriques,
- Taille: de 0,1 à >2000 microns.
- Présence de grains très fins dans ce type de gîte aurifère.
L’or provenant des placiers ou or alluvionnaire
Origine hypogénique
- Formes: flaques, gouttes d’eau, lamelles, laminaires, cristaux.
- Taille: de 250 à 1000 microns.
- Grains fins dispersés ou agrégés.
Origine supergène (zone d’oxydation)
- Formes: limpeux, spongieux, cristaux incomplets, surface lustrée.
- Taille: 200 à 3000 microns.
- Les pépites sont rares.
Origine hydrogénique
- Formes: dendrites « mails », agrégations, gouttes d’eau avec des zones lustrées et rugueuses.
- Taille: de 200 à 500 microns
- Formation de l’or par précipitation d’éléments fins.
L’or « spontané », précipité, ou cristallisé, ou dendrite
C’est de l’or dissout dans l’eau des rivières, les variation de température, de Ph et d’éléctro-conductivité de l’eau par endroit, certains complexes chimiques ou organiques catalyseurs, créent des réactions chimiques qui entrainent la précipitation de l’or dans la nature, et son accumulation.
Les atomes d’or, d’argent ou de cuivre s’accumulent avec le temps, il faut parfois des centaines ou des milliers d’années pour aboutir à une belle paillette, une aile de mouche, ou une pépite d’or.
Ce type d’or née « spontanément », même si il est présent dans l’eau à l’état d’ions d’or dit « aurique » (Au3+) ou « aureux » (Au+). L’or peut être en effet dissous, transporté et précipité parfois à des grandes distances, grâce à divers facteur chimiques qui jouent de rôle de catalyseurs.
Je rédigerai prochainement un article spécialement sur la dissolution chimique, la précipitation et l’oxydation de l’or dans la nature, car ce sont des processus très complexes et très passionnants, ouvrant des nouveaux champs d’études et de prospections aurifères.
La cristallisation ou précipitation de l’or née en général autour d’un nucléus, qui peut être un élément de fer, de cuivre, ou biologique (racine, bactéries,…), en général minuscule ou microscopique.
Par couches successives, les complexes d’or auriques ou aureux modifiés se déposent sur les couches précédentes, montrant parfois des formes cristallines en forme d’étoiles, de fils, ce type d’or est en général anguleux et très fin, et peut montrer des gros cristaux.
Beaucoup de spécimens peuvent flotter sur l’eau, il est donc recommandé d’utiliser du Jet Dry pour changer la tension de surface de l’eau pendant les lavages et travaux sur les concentrés.
Les différentes paillettes ci-dessous sont issues de lavages au pan, ou au sluice (rampe de lavage):
Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- C’est très bon signe, cela veut dire que la zone ou la région est aurifère, et qu’il faut chercher, prospecter.
- C’est rassurant car cela veut dire que c’est une région très riche en métaux: cuivre, argent, plomb, fer,… les amis fidèles de l’or.
- Cela signifie qu’il y a eu des conditions propices à la précipitation ou la cristallisation de l’or, soit actuellement ou récemment dans l’eau de la rivière, soit par le passé si on trouve les spécimens dans des roches loin des rivières (ardoises noires/bleues par exemple).
- Il est toujours rassurant est réconfortant de savoir, que dans la rivière, du bébé or est entrain de naitre et de grandir, même si cela prend des milliers d’années.
- Cela signifie aussi que de l’or en amont est dissous et précipité en aval, via des processus chimiques. C’est un indice de présence de filons, ou de gîtes d’or, ou de concentrations d’or en paillettes, ou à l’état colloïdal plus haut dans les sommets des montagnes, directement dans les roches des terrains traversés par les cours d’eau.
- La couleur est importante, ce type d’or peut avoir un grand panel de couleurs selon la pureté de l’alliage: rose (argent et cuivre), gris/blanc (argent), jaune (or), il peut y avoir aussi des couches brunes ou ocres d’oxydes de fer (or non-amalgame). Si il y a des mines de cuivre à chalcopyrites ou pyrites de cuivre, des mines de galène argentifère et de blende, si il y a des mines de fer à proximité du site de prospection, ces indices sont un excellent moyen de corroborer la présence d’autres éléments sulfurisés (Cu, Ag, Fe,…) et leurs présence dans la rivière ou à proximité est en fait logique. Je pense aussi que cela signifie ainsi qu’il y a des gîtes aurifères de type hydrothermal de subduction, de type complexes THIO (Zn, Fe, Pb, Ag), intervenant dans l’oxydation et la dégradation des sulfures, et/ou des complexes de types CHLORIDES, HYDROXYDES et HALIDES. C’est en effet de l’or dissous qui a précipité.
L’or en grains fins, petits, ou plus gros
L’or en grains est un or récemment libéré d’un filon primaire ancien dans les montagnes, en amont ou à proximité de la zone de prélèvement.
C’est un or très ancien, sans doute la première version originelle, celui du refroidissement de la croute terrestre, ou des premiers continents un or datant probablement du Primaire, que l’on retrouve dans des conglomérats, des granites, des skarns et les amphiboles par exemple, mais aussi dans des grès oxydés plus récents.
Cet or est libéré par l’érosion, la détérioration et l’oxydation de ses roches, ou bien la rivière les traverse et les érode tout simplement.
L’or en grain est ensuite transformé en or roulé, par les actions mécaniques des frottements avec les graviers et les galets de la rivière.
Ci-dessous: des exemples de grains d’or fins de différentes rivières et ruisseaux du Couseran, en Ariège.
Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- C’est très bon signe de trouver de l’or en grain dans le concentré d’une batée ou un d’u pan, cela veut dire qu’il y a du filon primaire ou éluvial à proximité (5/10 km).
- Il faut donc chercher des gisements primaires ou secondaires plus important.
- La présence de petits grains provient aussi de grains plus gros qui ont été cassés. Si il y a du petit, il y a du plus gros.
L’or en paillettes roulées et écrasées
C’est l’or typique des alluvions de nos rivières, il est roulé, aplati, martelé, plié, parfois plusieurs fois, avec des courbes et des rondeurs. Il ressemble à des patates écrasées, des assiettes, des cookies écrasés, ils peuvent aussi être troués.
C’est l’action mécanique des galets, des graviers, des sables qui a pour conséquence de créer ces formes.
Les paillettes d’or ariégeoises sont réputées très fines et avec un titre de pureté très élevé, j’expliquerai pourquoi la pureté est si importante pour les paillettes dans un prochain article.
Ce type d’or d’or provient d’un gisement détritique ou placer/placier, c’est à dire des plages à galets et à graviers aurifères, dans les rivières, d’anciennes terrasses ou d’anciennes rivières fossiles.
Ci-dessous: des exemples de paillettes d’or détritique de différents placiers ariégeois.
Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- C’est un or plutôt ancien, qui provient de filons primaires ou bien de gîtes secondaires, transportés plusieurs fois, remaniés plusieurs fois par l’eau, le vent, les intempéries, par des processus essentiellement physiques.
- Plus l’or, initialement en grains, est ancien, plus il sera altéré et aplati, roulé par les actions mécaniques. L’or roulé est à la base de l’or en grain ou précipité ancien, des filons les plus primaires dans les roches mères les plus anciennes, très altérées et oxydées, ayant libéré de l’or par l’érosion. La rivière traversant directement ce type de roches, l’or est libéré puis ensuite roulé, transporté, aplati au fil du temps.
- C’est aussi un indice qu’il y a de l’or dans la rivière et dans la zone, c’est très bon signe, et cela signifie qu’il y a des gîtes aurifères aux alentours à prospecter et à rechercher: gîtes primaires (puisque l’or viennent bien de quelque part), ou secondaires (provenant de déplacement anciens et remaniés, jadis par le passé).
L’or amalgamé naturellement avec du mercure
Il est très présent dans la nature, car l’or adore le mercure, qui est un métal liquide en température ambiante, il s’amalgame très facilement avec ce dernier, pour créer un alliage d’or mercureux ou « tacher » la paillette d’or.
Ce type d’or est lui aussi jaune, gris ou blanc, mais le mercure transforme très souvent des paillettes d’or en boules, ou en sphères plus ou moins parfaites.
Jusqu’à présent, j’ai surtout trouvé de l’or amalgamé dans des gisements détritiques dans les rivières ou ruisseaux, sur les plages à galets, dans les gravières, ou en terrasses.
Ci-dessous: Exemple d’or sphérique amalgamé à cause du mercure présent dans la nature soit naturellement, soit artificiellement par la pollution industrielle.
Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- Il y a du mercure dans la rivière, ou bien cet or a été en contact avec du mercure à un moment donné de sa vie en dehors de la rivière. Cela signifie qu’il y a du mercure dans le secteur, soit naturellement (différents minerais de mercure), soit par la pollution industrielle des activités humaines.
- La rivière ou le site prospecté est aurifère, et c’est une très bonne nouvelle.
L’électrum ou l’or gris: alliage naturel d’or et d’argent
La nature crée naturellement des alliages de métaux, l’or est souvent associé à l’argent (Ag), qui est un métal précieux. Cet alliage s’appelle électrum, considéré jadis par les Egyptiens comme un métal divin réservé aux Pharaons.
Ce type d’or est en général blanc, gris métallique.
L’électrum, révélé dans des sites de prospections, en relation ou proches de mines de galène argentifère (Sulfure de plomb argentifère), n’est pas une surprise. Si y a du plomb et de l’argent dans le coin, il y a de l’electrum.
Ci-après: des exemples de paillettes d’or électrum.
Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- L’électrum est l’indice principal de présence dans la zone de métal argent (Ag) et indirectement de métal plomb (Pb) dans la nature, via la galène argentifère.
- L’oxydation et la dégradation des sulfures (Pb, Fe, Zn, Cu) des complexes THIO libère de l’or dans la nature.
- Comme l’argent et l’or sont associés et très intimes, les gisements de plomb argentifères contiennent de l’or. Ce qui est très rassurant pour un orpailleur.
L’or rose: alliage naturel d’or, de cuivre et d’argent
Un or rose signifie qu’il y a du cuivre (Cu) et de l’argent (Ag) dans la région de prospection, ses métaux sont des grands copains de l’or dans la nature, et indirectement de plomb argentifère (via la galène).
En présence à proximité d’anciennes mines de fer, de cuivre, de plomb, ce n’est pas une surprise de trouver de l’or rose.
Le cuivre provient lui de chalcopyrites, pyrites cuivreuses, et d’autres minerais de cuivre.
Qu’en déduire? Quelles informations utiles en tirer?
- Que c’est une région très métallifères et très minéralisées, avec au moins 4 éléments identifiés qui sont: l’or (Au), l’argent (Ag), le Plomb (Pb), le cuivre (Cu). C’est très bon signe pour la prospection aurifère. Si il y a des mines dans la région, c’est normal de trouver de l’or rose.
Conclusions
L’étude des formes de l’or est essentielle pour une bonne pratique de l’orpaillage, car cela permet de déduire beaucoup d’informations sur l’histoire et les origines de l’or.
Ce type d’étude m’aide beaucoup dans mes recherches et cela me permet de confirmer la présence de gisements primaires ou secondaires dans le secteur, et d’orienter des investigations futures.
Je l’avoue l’analyse des formes d’or et des composants de sables noirs au microscope est devenu une étape de plus en plus importante.
Je vous invite à partager aussi d’autres exemples de photos, et d’autres cas de types d’or comme référence, ainsi que les interprétations possibles associées.
Références
Web
- PDF: Une thèse sur les formes de l’or intitulée Placer Gold Microchemical Characterization And Shape Analysis Applied As An Exploration Tool In Western Yukon (Caractérisation microchimique et analyse des formes de l’or utilisée comme outil d’exploration dans l’ouest du Yukon), du chercheur Timothy Michael Wrighton et datant de 2009, en langue anglaise, un document qui m’a aussi inspiré pour la rédaction de cet article. Lien ici: https://www.collectionscanada.gc.ca/obj/thesescanada/vol2/BVAU/TC-BVAU-44513.pdf
- PDF: Une autre thèse intitulée CLASSIFICATION AND INTERPRETATION OF THE SHAPES AND SURFACE TEXTURES OF GQLD GRAINS FROM TILL (Classification et interpetation des formes et des textures des grains d’or provenant du till),du chercheur canadien R.N.W. DILABIO, en langue anglaise. Lien ici: http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_6/colloques2/36213.pdf
Document
- Le document intitulé Gold Mineralization de la Alexandria University Faculty of Science Geology Department, disponible ci-après, m’a aussi beaucoup inspiré pour cet article, je vous en recommande la lecture attentive:
NB. Pour des raisons évidentes de préservation des lieux sauvages et des biotopes, je ne divulguerai pas les localisations précises de mes recherches. Car je tiens à conserver en l’état et à l’abris des curieux, des touristes, des fâcheux, de vénaux ou des mercantiles ses endroits magnifiques et magiques.
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